Prendre le théâtre à la lettre,
Se saisir des textes dramatiques,
Écrire sur les mots des auteurs, fragments du monde,
Lire le théâtre.
De 2001 à 2010, alors que je collaborais à l’Humanité, je me suis rendue à un rythme soutenu au théâtre. C’était à Paris, au théâtre public essentiellement, sans oublier des lieux grands comme mouchoirs de poche où se nichaient des pépites. C’était aussi, quelquefois, en province, à la découverte des créations des Centres dramatiques nationaux. Et parfois plus loin, pour suivre la création européenne. J’ai hanté aussi et aimé l’atmosphère dense des festivals où toute une ville vit à l’heure du théâtre. Guidée par Jean-Pierre Siméon, dans le fourmillement des compagnies du Off d’Avignon, j’ai vu des troupes balbutiantes qui, d’année en année, ont affermi leur propos, déployé leur jeu, leur vision, et ont peu à peu laissé l’empreinte de leur talent.
Durant ces années où j’entrais sans relâche dans les lieux et la rumeur du théâtre, j’étais bien sûr attentive à tous les éléments du spectacle que je voyais : mise en scène, interprétation des comédiens, scénographie… Pourtant, pour peu qu’ils disent la vie et les êtres sans biaiser, qu’ils construisent au monde des représentations permettant d’en fouiller les sinuosités, ce sont les mots des auteurs, leur écriture, une langue singulière ou juste de chair littéraire, qui me marquaient le plus vivement. Qui cheminaient longtemps en moi.
Je vais essayer, donc, de lire les textes dramatiques avant leur mise en bouche.
Textes dramatiques
Le père se meurt accablé de tous les mots
Créé dans une mise en scène de Vincent Macaigne au Théâtre de la Colline en mai 2018, en même temps que « Je suis un pays », « Voilà ce que jamais je ne te dirai » est l’acte de transmission d’un père à son fils qui répugne à s’accomplir. L’état des lieux de ce qui fut est d’une noirceur absolue et la mort qui presse le père attise chez le lecteur un regard désespéré sur le monde qui touche ici à sa violente acmé.
Avec Rouge, Emmanuel Darley écrit la colère qui s’empourpre de sang
Lire la pièce Rouge d’Emmanuel Darley, publiée chez Actes Sud-Papiers, c’est entendre une langue de théâtre singulière qui porte le grondement grandissant d’un groupe révulsé, bientôt radicalisé, par ce hiatus entre salaires vertigineux et seuil de pauvreté.
Noël revient tous les ans, de Marie Nimier, nous fait passer le goût de la dinde
Avec Noël revient tous les ans, Marie Nimier égrène dix repas de Noël qui réunissent une mère, son fils et sa petite amie, nouvelle chaque année. La pièce, qui se joue en ce mois de janvier, demain notamment à Villeneuve d’Ascq puis à Nantes, sert sarcasmes cruels et tensions à cette table de Noël qui n’est pas que de fête.
Solitarité ou le capitalisme à visage roumain
Avec Solitarité, Gianina Carbunariu promène un oeil cruel sur son pays, la Roumanie, et sur sa classe moyenne mesquine.
La pièce de Bernardo Carvalho, une suite d’échanges déshumanisés sur fond de crise économique
Dire ce qu’on ne pense pas dans des langues qu’on ne parle pas est une pièce bâtie d’une langue aride, atone, qui ploie sous l’injonction d’une crise économique impalpable que nul ne cherche à combattre.
Sur scène
L’Avenir, Clément Bondu – Théâtre de la Cité internationale
L’auteur, metteur en scène et interprète Clément Bondu présente au Théâtre de la Cité internationale L’Avenir, celui d’une Europe obscène et inhospitalière. Un spectacle tel un flux hypnotique entre théâtre, musique, et poésie majuscule.
Relire Aragon
S’il est une chose à ne pas négliger cet automne, c’est d’aller voir Relire Aragon, jusqu’au 4 novembre seulement. Patrick Mille et Florent Marchet nous entraînent dans une traversée sensible, audacieuse et passionnée de l’oeuvre poétique majeure d’Aragon. Les strophes du poète tendent un miroir bouleversant à un XXe siècle douloureux et ses mots ont beaucoup à dire au nôtre.
Ce soir, le travail chorégraphique de Nancy Naous est à éprouver de toute urgence
Ce soir, à la Scène nationale de Saint-Nazaire, These shoes are made for walking, de la chorégraphe Nancy Naous, sonde l’impact des violences, celle notamment qui suivirent le Printemps arabe, dans les corps.
À l’oubli donner des ailes
La première création de Raphaëlle Boitel a des rêves la profusion d’images fantastiques et irraisonnées. Elle en a aussi la grâce ineffable.
Les mots d’Annie Ernaux pour dire la passion qui sidère
Jeanne Champagne met en scène Passion simple, de l’auteure des Armoires vides. Une plongée dans une relation obsessionnelle, étanche au cours du monde, que s’approprie finement la comédienne Marie Matheron sur la scène du Lucernaire.
Urgent : trois clowns à prendre au sérieux au Théâtre de la Cité internationale !
Si Paris désert et écrasé de chaleur vous pèse, “Les clowns”, écrit et mis en scène par François Cervantès, vous seront une fraîche échappée d’humour féroce et d’humanité toute nue. Jusqu’au 3 août seulement !
Au théâtre ce matin : Phèdre
La pièce de Racine invite à une expérience théâtrale matinale à la Maison des métallos. Un moment juste.