Ce soir, le travail chorégraphique de Nancy Naous est à éprouver de toute urgence
These boots are made for walking, on a déjà oublié cette chanson de Nancy Sinatra. These shoes are made for walking, le spectacle de Nancy Naous, non. Il se joue ce soir au Théâtre de Saint-Nazaire.
These shoes are made for… C’est une évidence, plus qu’à marcher, les chaussures des deux interprètes les portent à danser… Mais quelle danse ! Toute en saccades, toute d’arythmie, comme si toujours guettait la dislocation de l’être, et qu’il fallait repenser son maintien, sa résistance. Danse enthousiaste et entravée, révoltée mais aliénée encore. Cette lecture des corps a pris forme face aux scènes des printemps arabes successifs, dont les prolongements gâchés, cette spirale de violence, ces femmes harcelées alors que l’espoir était une promesse, préoccupèrent intensément Nancy Naous.
La jeune femme vit en France depuis 2002. Le Liban se situe désormais à 4120 (4120, du nom de sa compagnie) kilomètres d’elle. N’est-ce pas souvent de loin que l’on voit mieux un lieu, une atmosphère qui nous composent depuis toujours?
Dalia Naous et Nadim Bahsoun sont les interprètes incroyablement précis et forts de These shoes are made for walking. Ils écrivent à chacun de leur regard, de leur geste, le doute et l’élan qui se chevauchent. Dalia Naous oscille de la tête au-dessus d’un micro. Le mouvement est mécanique, tremblé, son insistance émeut. La jeune femme (nous) parle terriblement sans mots dire, peut-être à la foule, peut-être perdue au milieu d’elle. Nadim Bahsoun se jette lui dans un fauteuil qui semble l’éjecter aussitôt. Il s’affale de lassitude, il s’élance car il le faut.
La musique et les lumières électrisent, fragmentent brutalement leurs sensations et les nôtres. Ceci alors que la grâce et le mystère du Dakbé, cette danse populaire et folklorique orientale des fêtes et des cérémonies de mariage, s’imprime à ce moment précieux qu’il faut ressentir ici et ailleurs. Ce soir et d’autres soirs encore.
, par Aude Brédy